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Un blog Archivistique, Humaniste et Athée

Mayotte - Cyclone Chido : une expérience climatique et humaine qui oscille entre humanisation et déshumanisation

Mayotte - Cyclone Chido : une expérience climatique et humaine qui oscille entre humanisation et déshumanisation

« Cyclone Chido : L’État en action à Mayotte.
Ou comment avons-nous été incapable de mettre nos moyens à l’abri du cyclone ?
 
Ces moyens qui aujourd’hui nous manquent cruellement ».

 

1) Une expérience climatique

Samedi 14 décembre 2024 au petit matin, le ciel est sombre dans cette partie Nord de l’île aux parfums, la pluie tombe sous forme de bruine, les vents par petites rafales rafraichissantes font onduler les arbres. Il fait chaud, tout est encore calme et paisible avant le chaos.
Les oiseaux ne chantent plus, les makis ont disparus, les éléments se déchainent brutalement dans une séquence en 2 épisodes :
Épisode 1 : En 5 minutes, brutalement, des vents à plus de 200 km/h, venus du côté montagne dévalent les pentes sur le village d’Hamjago. Au rez-de-chaussée dans ce petit bunker, d’une maison à 2 étages, je vois par la fenêtre, ces flux d’air, d’eau et de débris/confettis, qui déchirent l’atmosphère. La parabole du propriétaire de la maison se décroche et tombe dans l’arbre à pain, les tôles laissées sur le toit de la maison d’à côté s’envolent, une à une, comme des oiseaux. Sous la force des éléments, j’entends, de-ci, de-là, des bruits sourds et forts de métaux qui s’arrangent, de bois qui craquent, de vitres qui explosent, de branches qui se cassent... Les minutes passent, c’est long, ça dure, bientôt 2 heures.
L’oeil du cyclone : En 5 minutes, le calme revient brutalement, nous sommes dans l’œil du cyclone dans une ambiance lourde et feutrée, plus aucune pluie, plus aucun vent, il fait chaud et humide. J’en profite pour sortir et déplacer la voiture, aller la stationner depuis le côté mer vers le côté montagne, et toujours au plus près des murs de la mosquée Tchad.

Jonché de tôles et de branches d’arbre, il m’est impossible de sortir par l’escalier qui mène à la route nationale, je passe par le jardin du voisin. Il faut faire vite car dans 30 minutes au moins, le 2ème épisode de la séquence va commencer. Je parviens jusqu’à la route, le bitume est jonché de petits débris en tout genre (branches, bois, verres, métaux, pierres, cailloux, galets), mais l’on peut circuler sur la route. La voiture couverte de confettis de bois, de feuille d’arbre, de brindille, n’a subi aucun dégât. Je la déplace vers la façade de la mosquée Tchad situé côté montagne.

Épisode 2 : En 5 minutes, brutalement des vents à plus de 220 km/h, venus du côté mer remontent les pentes du village. Ayant rejoint mon bunker du rez-de-chaussée, j’entends un bruit sourd. Par la fenêtre, le ciel s’assombris à devenir noir, des gouttes de pluie serrées les unes contre les autres, sans doute 2 fois plus grosses que des billes d’enfants s’abattent sur Hamjago. L’arbre à pain, le cocotier et le jaquier devant ma fenêtre, plient et les branches se cassent sous la force du vent. Dans le flux d’air, d’eau et de confettis, je vois des tôles et des toits qui volent, des rafales venues de la mer font plier le cocotier devant ma fenêtre, dont le sommet touche la face de la maison à plusieurs reprises.
Je sens de l’eau sous mes pieds, une énorme flaque gît sur le sol de l’appartement, l’eau s’infiltre sous la porte de la terrasse, je cours dans la cuisine pour saisir plusieurs serpillères que je calfeutre sous la porte, le flux s’arrête, j’éponge, je conserve l’eau car nous allons en manquer, cela servira pour la chasse d'eau des toilettes. Les minutes passent, c’est long, ça dure, bientôt 2 heures.
En mois de 5 minutes, l’intensité des éléments s’atténue. J’entends des éclats de voix, les voisins, les gens, la vie reprend. Chacun prend connaissance des dégâts : « Mon Dieu…. Mon toit…. Mes fenêtres… ». Dans le jardin du voisin, je marche précautionneusement vers la voiture. Je la trouve couverte de confettis, je constate qu’elle n’a aucun dégât, mais un toit charpenté est tombé à moins de 5 mètres. Le bitume est jonché de branche d’arbres, de bois, de toits et de tôles, la route est impraticable. À l’endroit même où se trouvait initialement la voiture au premier épisode, se trouve jonché sur le sol des bouts de métal, de béton, d’encadrement de fenêtres et de verre. La fenêtre du 1er étage de la mosquée Tchad à exploser et le petit toit de la façade s’est arraché. Je rends hommage à cette petite voix intérieure qui me disait à la fin de l’épisode 1 « Va vite déplacer ta voiture, tu n’as que 30 minutes… ! ». Je reviens à la maison et constate que l’escalier est totalement dégagé. Les tôles et les branchages déposés là, par le chaos du premier épisode ont disparu. La palissade en tôle qui sépare la maison de la propriété voisine n’est plus là, laissant apercevoir un grand trou béant d’excavation, sur des travaux en cours et inachevés depuis 2 ans maintenant. Je croise mon voisin du 2ème étage, il a perdu son bateau qui s’est retourné dans le vent violent, la fenêtre de son appartement a explosé, le faux-plafonds est tombé et sa porte d’entrée s’est effondrée. Le 2ème épisode a été indéniablement plus violent sur Hamjago.

De l’œil du cyclone, je me souviens de cette atmosphère calme, feutrée, lourde et chaude, sans aucune brise rafraichissante.
Des 2 épisodes de destruction, je me souviens de cette atmosphère humide, saturée de goutte d’eau et chargée de débris/confettis en tout genre plus ou moins gros emprisonnés dans des vents et dans des flux d’air incroyablement violents.

Il s’agit de ma 3ème expérience cyclone après la Nouvelle-Calédonie et La Réunion, toutes fascinantes les unes que les autres, mais l’expérience CHIDO aura été sidérante.

2) Une expérience humaine

Le cyclone vient de passer :
- Nous sommes, tout d’abord, gagnés par un sentiment de sidération face à la force des éléments climatiques, chacun(e) va de ses commentaires dans des analyses et des spiritualités diverses et toutes respectables ;
- Mais, il faut à présent s’organiser, s’aider, être solidaire, serons-nous tous ancrés dans une solidarité au profit de l’intérêt général ou des intérêts particuliers ? ;
- Les dégâts sont considérables…, nous sommes dans le Nord…, nous sommes isolés…, l’aide de la gouvernance, des autorités de l’État et des collectivités est indispensable, seront-ils tous vraiment au rendez-vous ? 
- À la faveur de la connexion internet par satellite STARLINK rapidement mise en place par le Coco Beach, les premières nouvelles des médias ne sont pas très bonnes…. Il s’agit bien du cyclone du siècle pour Mayotte, le plus violent historiquement, l’habitat précaire à Mayotte est un cimetière à ciel ouvert, le nombre de mort sera considérable. Nous nous apercevons que Mamoudzou et Petite-Terre sont le centre du monde et se trouvent être la priorité des autorités et de la gouvernance. Le Nord attendra… !
Voici à présent l’analyse de l’expérience humaine face au chaos, un voyage entre humanisation et déshumanisation.

2.1) Inventer pour expliquer CHIDO, inventer pour se rassurer où le chemin vers une réalité rationnelle :

● Une des caractéristiques de l’espèce humaine n’est-elle pas de vouloir absolument :
- Mettre des mots sur les maux ?
- Toujours trouver une explication à tout phénomène pour se rassurer, quitte à inventer de très nombreuses raisons produites par l’esprit/génie humain sans limite, capables du pire comme du meilleur ?
- Est-ce à partir de ces événements climatiques ou telluriques que nos ancêtres ont-ils inventer les Dieux et les Religions ? Nous avons beaucoup prié mais CHIDO est passé. Nous avons beaucoup prié mais CHIDO à tout saccagé. Nous avons beaucoup prié et voilà qu’un autre cyclone pointe son nez « DIKELEDI ». Il y aurait-il donc 2 explications possibles pour notre esprit/génie humain :
. Allah existe mais a abandonné Mayotte dans le miroir d’elle-même et le destin qu’elle mérite (CHIDO veut dire Miroir en shimaoré) ;
- Allah n’existe pas, il est tout simplement une invention humaine, comme les autres Dieux et les autres religions. Les cyclones sont donc uniquement l’œuvre rationnelle de la Nature, dans le miroir de ce qu’est notre esprit/génie humain, c’est-à-dire capable du pire comme du meilleur.

- Une chose est certaine, les théories du complot sont toutes autant l’invention de l’esprit/génie humain sans limite, dont les adeptes préfèreront toujours s’informer sur les Réseaux sociaux sans aucun esprit critique, plutôt que par le biais des Médias officiels.

2.2) Toujours ce Patriarcat toxique, inefficace et déshumanisant

Cette expérience humaine est particulièrement marquée par l’expression du patriarcat virile, machiste et raciste dans toute sa splendeur :
● Qui n’a toujours pas compris que la force et la virilité ne peuvent plus être la Loi, ni le Droit ;
● Qui n’a toujours pas compris que ce n’est pas parce que l’on parle le plus fort que l’on a raison ;

● Qui se transforme en Moulin à vent, volumineux, dans une gesticulation souvent violente (verbale et/ou physique) totalement déshumanisante, toxique et inefficace ;
● Qui ne tient pas compte de l’émotion, de l'émotivité féminine/enfantine et qui s’énerve face à un comportement d’humanité, jugé agaçant et faible, dans une impulsivité non maîtrisée et une absence totale de subtilité ;
● Qui stigmatisent l’étranger : Ces étrangers qui vont venir en masse tout pillé, tout volé…, dixit « Parce que "Eux" ils ont plus la « dalle » que "Nous" et puis "Eux" ils sont plus nombreux que "Nous" ». Et oui, c’est comme cela que l’esprit/génie humaine à inventer les Récits identitaires et extrémistes dans ce clivage du "Nous" versus "Eux". C’est-à-dire, les autres, ceux qui sont différents, considérés comme une masse informe, précaire, dangereuse et déshumanisée.

2.3) Une population livrée à elle-même et quand bien même solidaire dans la diversité, au service de l’humain et de l’intérêt général

● Un grand merci au Coco Beach d’Hamjago, pour la mise à disposition gracieusement de :
- Connexion internet par satellite (gratuite) ;
- Électricité (gratuite) par le biais de groupe électrogène ;
- Nourriture (gratuite) initialement stockée dans vos congélateurs ;
- Eau, café, thé (gratuit) ;
- Logement (gratuit) pour ceux qui n’avaient plus de toit.
Vous avez réalisé ce que l’État et les collectivités n’ont pas su faire et mettre en place rapidement dans une déshumanisation totale des services publics.

● Un grand merci à la population mahoraise et aux « Munzungu » de bonne volonté qui par leur ingéniosité et leur solidarité, ont su :
- Mettre en œuvre un système « D » par de biais de petits bricolages inventifs, permettant de se procurer de l’eau (collecte d’eau de pluie, collecte d’eau des rivières, citerne improvisée, point d’eau collectif, etc.) ;
- Mettre en œuvre une mutualisation de moyens permettant, d’une part, de se procurer de l’électricité (groupe électrogène privé mis à la disposition des voisins, de la population), organisation de tours successifs « une heure pour chacun au bénéfice de tous » permettant de recharger les congélateurs, les frigos, les téléphones et ordinateurs portables, etc.). D’autre part, de se procurer de la nourriture (partage de denrées, cuisines collectives, etc.).

2.4) Les trahisons de la gouvernance des autorités de l’État et des collectivités

● « Chido » veut dire miroir en shimaoré.
Questions :
- L’intensité des destructions de CHIDO est-elle le miroir de la désorganisation assumée d’un territoire dans une sempiternelle question que se pose les autorités françaises, comme un caillou dans la chaussure de l’État « Mais que faire de Mayotte ? » (Cf. ouvrage de Philippe BOISADAM, ancien préfet de Mayotte, L’Harmattan, 2022).
- Monsieur le Préfet avez-vous toujours aujourd’hui en 2024, de la part de la gouvernance (Président de la République, Premier ministre, Ministre de l’intérieur) des instructions vous demandant d’en faire le minimum pour Mayotte. Ces instructions données aux Préfet de Mayotte ont bien été avéré dans le passé et largement décrite dans l’ouvrage susvisé.
● Les trahisons de la gouvernance et en particulier des services de l’État et des collectivités, qui oscillent entre « Affichage » et « Incapacité dans la mise en œuvre concrète des secours, d’une manière EFFICACE et RAPIDE ».
Questions :

- Avons-nous baissé notre garde par la mise en œuvre de politiques publiques de diminution assumée des moyens des services publics ?
- La politique publique du « Faire plus avec moins » nous a-t-elle menée vers l’absence inefficace d’une action rapide face à l’urgence ?
- Il y a dans chaque préfecture une « Direction de la protection des populations (DDPP) », s’agit-t-il bien de toutes les populations sans discernement ?
- Avec quels moyens dérisoires affectés à Mayotte depuis toutes ces années ou la gouvernance n’a fait que se poser cette question stupide « Mais que faire de Mayotte » ? Ces moyens que vos services n’ont pas su sauvegarder, en témoigne la photo d’illustration de cette tribune.
. Monsieur le Maire de Mtsamboro, comment expliquez-vous que les moyens municipaux soient remplacés par la bonne volonté d’une initiative privée, celle du Coco Beach (connexion internet gratuite, électricité gratuite par groupe électrogène, eau gratuite, nourriture gratuite, réconfort et humanisation, etc.) ?
● Manifestement, il s’avère que :
- La solidarité de la population livrée à elle-même, atteste d’une inefficacité de la gouvernance, des services de l’État et des collectivités. Cette inefficacité démontre une déshumanisation des services publics qualifiés d’incompétent dans la mise en œuvre d’une action efficace promptes à répondre rapidement au besoin des populations.

- Les trahisons de la gouvernance déshumanisée sont totalement responsables des comportements humains, au sein d’une population seule et livrée à elle-même à laquelle on ne laisse plus aucun choix, plus aucune alternative que celles de se débrouiller toute seule :
. Dans le pire, celui de la déshumanisation des individus caractérisée par la toxicité de certains comportements, de la violence verbale et physique, de pillage, etc. dans une perspective individuelle et partisane de survie, de prédation ou de domination sur les autres ;

. Dans le meilleur, celui de l’humanisation des personnes de bonne volonté dans une perspective collective de solidarité, de protection des individus et des populations.
Nous avons eu malheureusement à déplorer à Hamjago, un décès par noyage (Monsieur Yannick…) qui s’est rendu sur le récif frangeant afin de pêcher tout simplement et pouvoir assurer sa propre subsistance et celle de sa famille.

3) Conclusion :
L’humanité adolescente affrontent les expériences climatiques et humaines en arpentant l’Himalaya en tongue ou à pied nu. La principale cause est la déshumanisation des gouvernances (État, collectivité, etc.) et une inefficacité des services publics dans une diminution assumée des moyens :
● Il est encore très long/très loin, le chemin vers une généralisation d’un Humanisme bienveillant pleinement assumé, impulsée par des personnes de bonne volonté au profit de l’Humain et de la Planète, dans un objectif de valorisation des potentiels de l’esprit/génie humain alors capable du meilleur, c’est à dire, de l’humanisation de nos méthodes de fonctionnement qui mène vers la protection des populations, des individus, la sécurité et le progrès.
● À moins que ce chemin tortueux nous mène en définitive, vers d’autres horizons mortifères motivés par une volonté de déshumanisation pleinement assumée de nos méthodes de fonctionnement et des individus, dans un objectif de dévalorisation des potentiels de l’esprit/génie humain alors capable du pire, avec chevillé au corps, une vision clivante et de tension, patiemment entretenue au profit uniquement, de l’épanouissement de quelques-uns.

Face aux capacités de déshumanisation, l'esprit/génie humain doit avoir chevillé au corps, un humanisme bienveillant. Car les gens s'adaptent à leur public et en particulier à leur gouvernance : 
- Si vous leur apportez l'incompétence et le mépris, ils vous rendront du mépris et de la colère et vous devrez donc faire preuve d'autorité patriarcale (virile, machiste, raciste) ou matriarcale (toxique, castratrice, totalitaire, bref "Chipie"), un vrai constat d'échec dans une déshumanisation mutuelle ;
- Si vous leur apportez la compétence et la bienveillance, ils vous rendront cette grande joie de la confiance, un vrai constat de réussite, dans une humanisation mutuelle.

Bien à vous

 

 

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