"La Bienveillance et l’Amour sont cette flamme qui lorsqu’elle s’enflamme brûle tout de notre obscurité".
12 Mars 2025
Mayotte, ce petit caillou dans la chaussure de l’État qui fait mal au pied
Note préliminaire :
La vérité ne se possède pas, elle se recherche et elle se partage, comme le ferait un chercheur, un universitaire, ou un excellent journaliste dans une démarche de « Fact Checking », c’est-à-dire celle de vérifier l’information. Je ne suis qu'un citoyen comme les autres, cependant, je prends le temps de lire, d'écouter, d'échanger, de partager pour comprendre ce territoire.
Cet article constitue un résumé/synthèse de lecture après la capture de certains passages ou phrases clés de compréhension provenant de rapports parlementaires, d'information ou d’inspection générale, de conférence en ligne, etc. à propos de la question de Mayotte.
En acceptant, le choix des mahorais de vouloir rester dans la France et en ayant accordé à Mayotte un statut de département, la France ne s’est-elle pas, d’elle-même, mise dans une impasse ? L'analyse de cette question est envisagée sous l’angle des deux problématiques suivantes :
- La question de la présence française à Mayotte a-t-elle contribué à un isolement de la France sur le plan européen et international ?
- Quelles sont les origines de la réticence de la France à développer Mayotte ?
1) L’isolement européen et international de la France sur la question de la présence française à Mayotte
À propos de sa présence à Mayotte, la France est toujours isolée au niveau international et au niveau européen. La France ne peut pas réellement agir contre les Comores car elle se mettrait en position de défaut face à l'ONU et à l'Union Africaine :
- D’une part au niveau de l'ONU, les 2 seuls pays qui régulièrement votent ou s’expriment favorablement s'agissant de cautionner la présence de la France à Mayotte, sont la France elle-même et la principauté de Monaco (https://urlz.fr/ugzC). Les pays qui ne cautionnent pas la présence de la France à Mayotte, considèrent en premier lieu, l’intégrité territoriale d’un pays, Les Comores et l’indépendance de la totalité de son territoire, plutôt que la notion du Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes dans le choix de leur destin. L'intégrité du territoire des Comores prime donc sur le choix des mahorais de rester français. Ce choix exprimé maintes fois par référendum.
- Au niveau de l'Union africain, nous sommes sur des positions fermes et en défaveur de la présence française à Mayotte de la part de tous les pays africains. Par ailleurs, la conjoncture africaine est actuellement très défavorable à la France qui se fait « dégager » de nombreux pays africains avec lesquels elle entretenait des accords de défense et de coopération.
Au regard de cette conjoncture très défavorable en Afrique mais aussi pour préserver la posture internationale de la France sur la question Ukrainienne, l'opposition à la Russie, l’opposition à la Chine et désormais l'opposition aux États-Unis. La France ayant participé dans le passé à des opérations de déstabilisation ou de renversement dans l'Union des Comores notamment par le biais de l'intervention de mercenaires. Aujourd'hui, là où l'influence international de la France est moins brillante que par le passée, il est donc désormais très difficile pour la France d'organiser toutes opérations d’ingérence ou de déstabilisation du régime d'Azali ASSOUMANI aux Comores qui risquerait de mettre notre pays dans une position délicate dans laquelle la France pourrait se décrédibiliser elle-même davantage et donc juguler sa propre posture au niveau international, à propos d’autres questions d’enjeux géopolitique comme l’Ukraine, par exemple. En effet, lorsque l’on est un État de Droit, on ne peut pas d’un côté opérer une déstabilisation des Comores et de l’autre côté, condamner l’invasion russe de l’Ukraine.
La France est donc contrainte d’être très prudente dans ses relations avec Les Comores voir très généreuse, au risque de compromettre sa propre politique diplomatique et de négociation international avec des partenaires qui utiliseraient la question de Mayotte comme argumentaire pour tenter de juguler ou compromettre davantage l’influence française dans le monde.
Au regard du non-cautionnement par la communauté internationale de la présence française à Mayotte. En dehors de la période Mitterrand, pour justifier de la présence française à Mayotte, l’argumentaire principale de la France a toujours été celui d’une contribution active à un projet de développement pour Mayotte dans le giron français en considération du choix des mahorais de rester dans la France, et dans l’organisation d’une coopération équilibrée avec les Comores. Comme nous l'avons vu plus haut, tous les autres pays européens en dehors de la France et de Monaco, ainsi que les pays au niveau international, ne cautionnent pas la présence française à Mayotte. Sur la question de Mayotte, la France est donc isolée sur le plan européen et international. Pourtant La France a pu obtenir un certain nombre de garantie et la mise en oeuvre de dispositifs européens au profit de Mayotte (statut de RUPE, accès aux fonds européens, etc.), mais aussi pour les Comores (financement d'une flotte de pêche, etc.) par la France et l’Union européenne, etc.
La bonne volonté de la France dans le développement de l'archipel (Mayotte et Comores) est issue de la vision géopolitique du Général de Gaulle, c'est-à-dire le fait d'avoir une « Certaine idée de la France », pays de Droits, généreux, prompte à développer la francophonie et les valeurs humanistes et démocratiques dans une région du monde, l'Océan indien, où la France possède bien entendu des intérêts.
Cette vision Gaullienne, a malheureusement été entravée par les 3 raisons suivantes qui sont en définitive, à l’origine de la réticence de la France à développer le territoire, dans une sempiternelle question « Mais que faire de Mayotte ? ».
2) Les origines de la réticence de la France à développer Mayotte
- La raison française : Après la période Gaullienne dont nous avons expliqué plus haut la vision pour Mayotte, les Comores et l'Océan Indien, une vision continuée sous les périodes Pompidoulienne et Giscardienne. L'arrivée de François Mitterrand au pouvoir a changé la donne. Pendant le premier mandat de François Mitterrand (1981-1988), la Collectivité territoriale de Mayotte est quasiment délaissée. Et c'est au début de son second mandat, que François Mitterrand dévoile ses ambitions pour Mayotte.
Un voyage officiel dans l’Océan Indien est organisé du 11 au 15 juin 1990. Les étapes de ce voyage officiel étaient les suivantes : Seychelles, Maurice, Les Comores et Madagascar (https://urlz.fr/u1eZ), c’est-à-dire dans les anciennes colonies françaises de l’Océan Indien. Vous aurez noté que François Mitterrand s’est donc arrêté aux Comores et qu’il n’est donc pas passé à Mayotte.
Le 13 juin 1990, lors du diner d’État, à Moroni, François Mitterrand fait une allocution portant sur les relations franco-comoriennes, l’aide au développement et la francophonie (https://urlz.fr/u1bK). Au détour d’une phrase, il déclare dans son allocution : « Quand je rentrerai dans mon pays, je serai rentré dans un pays qui lui-même prend part à la vie de l’Océan Indien par la projection française qui se trouve à La Réunion ». Le chef de l’État ne cite donc pas Mayotte, pourtant Collectivité territoriale de la République française. Plus loin dans son allocution, il cite enfin Mayotte, mais pour regretter la politique de ces prédécesseurs, c'est à dire, le maintient de Mayotte dans la France et le choix de la population mahoraise à rester française, exprimé par référendum. Voici ce qu’il dit : « Le problème de Mayotte, si mal engagé en 1974, si mal engagé à mes propres yeux, que je me souviens d’avoir refusé le sort qui était réservé à cette île. Mais le temps a passé, la loi de mon pays a été adoptée, les règles constitutionnelles ont été fixées par d’autres que par moi et je pense qu’il faut adopter une démarche concrète et pratique pour parvenir à dépasser ce contentieux désagréable entre nous. Nous allons en parler. Mais je pense que dès maintenant nous devons prendre les mesures qui permettront une communication et des échanges constants entre Mayotte et les autres, les autres et Mayotte. Qu’il n’y ait plus de barrières dressées, barrières théoriques, mais peu franchissables, entre tous les Comoriens que vous êtes, eux et vous. Et que la France vous aide à retrouver votre très ancienne solidarité. Il est de multiples formes d’unité, croyez-moi, et nous allons les rechercher » (https://urlz.fr/ugyn).
Sous Mitterrand, la posture était donc très claire : "Pourquoi développer un territoire qui finira tôt ou tard dans le giron comorien". Et ce qu’il faut comprendre, c’est qu’après Mitterrand, il y a toujours eu, peu ou prou et de manière latente, une réticence de la France à développer vraiment Mayotte au regard de la considération de deux raisons. La raison comorienne souvent qualifiée de « non coopérative » voir de « sabotage délibérée » et la raison mahoraise elle-même, qualifiée « d’absence de prise de conscience d'un intérêt général et commun dans le développement de l’île aux parfums ».
- La raison comorienne : Les autorités comoriennes s'obstinent pertinemment à torpiller toutes les initiatives françaises de mise en place d'une relation de coopération équilibrée. Ces initiatives françaises ont pour objectif d'atténuer les déséquilibres de développement entre Mayotte et Les Comores, d'éviter les appels d'air de déplacement de population et donc de réduire la pression migratoire sur Mayotte. Les rapports parlementaires et d’inspection générale font état de très nombreux dispositifs mis en place à l'initiative de la France et très largement financé par elle et pour certains dispositifs par l'Union Européenne. Cependant, par un manque de bonne volonté récurrente et persistante des Comores, aucun de ces dispositifs n'a réellement abouti concrètement. Les Comores considèrent, sans doute avec dédain, d'une part, la France comme une manne financière permettant à la gouvernance de s’enrichir personnellement sans développer le territoire. D'autre part, il est bien clair que dans une posture de revendication permanente du territoire de Mayotte. La gouvernance comorienne n’a aucun intérêt à favoriser et cautionner les souhaits de la France d'instaurer une coopération équilibrée entre les 2 pays. La gouvernance comorienne va même plus loin, en organisant et en finançant les migrations clandestines depuis l’Afrique des Grands Lacs et la Somalie via Dar-es-Salam en Tanzanie (urlr.me/nfP3rb).
La France est donc bien dans une impasse s'agissant de ses relations avec Les Comores dans la perspective d’une coopération équilibrée.
Cette impasse dans les relations France/Comores invite également à nous interroger sur l'héritage colonial :
. D'une part à propos de "L'Union des Comores elle-même et la nécessité de s'ancrer dans l'Universel pour reconnaître la diversité des îles dans une union nationale fédératrice ?"
"L'histoire post-indépendante des Comores a montré la faillite des pouvoirs centralisés qui se sont succédés à Moroni. Les raisons en sont multiples : le manque d'idéal universel, national et populaire de la part de la classe politique qui exerce le pouvoir avec autorité et sans partage, l'absence de grandeur et d'ambition pour le pays dans l'intérêt général et commun, l'inféodation à des intérêts extérieurs, la cupidité, le népotisme, le clientélisme et parfois l'incompétence pure et simple. Mais la principale raison réside dans le fait que la nature même du pouvoir central à Moroni est incompatible avec la réalité insulaire du pays dans une absence de considération de la diversité et des particularités de chaque île. Ngazidja (Grande Comore) reste "un îlot de prospérité" tout relatif face au marasme économique et social généralisé et une frustration toujours grandissante des autres îles dans un sentiment de délaissement. Voilà la genèse d'une absence d'idée de nation, de destin commun et la naissance de vélléités séparatistes dans l'âme et le coeur des comoriens, qui a connu plusieurs variantes avec Mayotte, Mohéli et Anjouan dans des contextes politiques propres et différents à chaque île." (Journal Kashkazi - Février 2008 - https://urlz.fr/uqra).
. D'autre part, sur "L'héritage colonial laissé par la France dans la vision des "anciens colonisés" ? :
La colonisation a-t-elle été juste ou injuste ? Les trois mots fondateurs de la République "Liberté, Égalité, Fraternité" ont-ils été bien appliqués partout ? Chacun a-t-il fait sien de la devise de la République ? Quel imaginaire reste-t-il dans les idéaux de Liberté, d'Égalité et de Fraternité ? Nicolas Sarkhozy a ouvert la voie : "Oui, le système colonial a été profondément injuste" (Alger, 3 décembre 2007 - https://urlz.fr/uqMB). "Deux voies s'ouvrent donc aux anciens colonisés (encore empreint de société traditionnelle) : demander justice à l'ancien colonisateur ; Laisser tomber la justice et prendre au Puissant tout ce qu'on peut lui prendre, en n'oubliant pas de lui rappeler et de lui resservir le slogan dont il s'est abondamment servi (Liberté - Égalité - Fraternité). Un peu comme ce qui se fait à Mayotte. Et si Mayotte avait raison ?" (Marcel Séjour - Journal Kashkazi - Février 2008 - https://urlz.fr/uqra).
- La raison mahoraise : La départementalisation de Mayotte a été réalisée trop prématurément, pour un territoire qui n'était pas du tout prêt à recevoir ce statut, notamment pour des raisons foncières et fiscales non encore organisées et qui notamment ne permettent pas d'assurer les entrées fiscales suffisantes et nécessaires au fonctionnement du jeune département.
Par ailleurs, la départementalisation de Mayotte a conduit la France dans l’impasse également, car d’une part, la départementalisation a conduit mécaniquement à une augmentation du phénomène migratoire vers Mayotte. L'indexation des rémunérations dans la fonction publique a contribué à une augmentation des prix et un sentiment très concret de vie chère pour les familles mahoraises. D’autre part, en considération de l’intégrité de certains élus territoriaux de Mayotte qui ne sont pas prêt à assurer leurs fonctions d’élus dans les règles du droit et l’intérêt général. Comme pour la raison comorienne, certains d'élus territoriaux, dont de nombreux maires, considèrent l'appartenance à la France comme uniquement une manne financière permettant de s'enrichir personnellement et favoriser leurs proches et leurs familles.
Cela relève en partie du fait que Mayotte est encore très ancrée dans la société traditionnelle, religieuse, clientéliste et qui est aussi celle des Djinn. Cette société qui par le biais des élus, demande sans cesse à La République des mesures d'exception pour ne pas trop bousculer cette même société traditionnelle.
Sortir de la société traditionnelle pour s'ancrer dans les valeurs de la République, il s'agit bien ici du grand défi de Mayotte. Les élus locaux, la population sont-ils prêt à le relever ? Département depuis 2011, est-ce à Mayotte de s'adapter aux règles de droit de la République ? Chacun dans sa responsabilité, ne pense certainement pas que l'inverse soit vrai. Les autres départements l'on fait, c'est à dire reléguer la société traditionnelle au rang de folklore pour enfin s'ancrer dans les valeurs de la République (Jacques CHIRAC en visite à Mayotte, le 19 octobre 1986 : "Les paysans de chez moi qui ont beaucoup de sagesse, disent : « Il ne faut jamais mettre la charrue avant les boeufs », je suis persuadé que cette formule est vraie en toute circonstance et pour vous aussi, et que vous découvririez rapidement les inconvénients qu'il y aurait pour vous-même à poser des principes avant de créer les conditions pratique de leur bonne application" - https://urlz.fr/ujnV). 1986-2025, malgré une évolution manifeste des mentalistes vers ce chemin, nous constatons que nous en sommes encore loin, car ces mêmes mentalités sont dures et bien ancrées dans la société traditionnelle. La jeunesse éduquée en métropole et sur le territoire, sur les valeurs de la République parvient à comprendre ce processus nécessaire, l'avenir de Mayotte réside dans cette jeunesse.
Reléguer la société traditionnelle au rang de folklore pour s'ancrer définitivement dans les valeurs de la République, ici se trouve le chemin pour mettre probablement fin à cette sempiternelle question que se pose l'État : "Mais que faire de Mayotte ?", "Pourquoi développer ce territoire qui refuse de sortir de la société traditionnelle et qui donc finira tôt ou tard dans le giron comorien ?", "Mayotte ce petit caillou dans la chaussure de l'État qui fait mal au pied ".
Par ailleurs, la culture traditionnelle comorienne et mahoraise, comparativement par exemple aux pays du Maghreb, du Golfe, ou certains pays du Proche ou du Moyen orient, ne revêt pas un esprit clairement affiché d’investisseurs et de bâtisseurs, mais plutôt un esprit dépensier (Manzaraka/Mariage fastueux, maisons somptueuses, véhicule de grosses cylindrées, etc.). Réaliser un grand mariage ainsi que l’acquisition de ces biens et objets d’ostentation permettent tout simplement d’accéder à la reconnaissance sociale pour beaucoup de mahorais et de comoriens. ll n'y a, sauf quelques exceptions, aucune volonté réelle d'utiliser son capital ou son foncier pour investir, bâtir et développer Mayotte. On attend ou on réclame, que ce soit l’État qui finance.
L'attitude de certains élus dans un projet :
- D'enrichissement personnel et familiale en profitant de la manne française,
- De refus d'appliquer les règles de droit et le refus de s'ancrer dans l'intérêt général et commun,
- De posture critique en se mettant en marge de la République et en demandant sans cesse des règles d'exception pour Mayotte, etc., s'inscrit malheureusement dans une forme de trahison :
- D'une part, de l'héritage laissé par Younoussa Bamana, les Chatouilleuses et les Sorodats, dont le projet était de "Rester dans la France pour être libre", c’est à dire, dans la vision Gaullienne expliquée plus haut. L’ambition des anciens était bien de profiter du rayonnement de cette « Certaine idée de la France », pays de droits, généreux, prompte à développer la francophonie et les valeurs humanistes et de démocratiques dans cette région du monde. L’objectif des anciens était bien dans cette perspective, de sortir Mayotte de l'ornière et d’accélérer le développement du territoire dans l'intérêt général et commun, en s'affranchissant définitivement de la tutelle comorienne.
- D'autre part, d'une trahison de la majorité de la population mahoraise toujours très attachée à Mayotte française et qui ne comprend donc pas, pourquoi, malgré le statut de département depuis 2011, le développement de leur île ne s’opère pas. Nous sommes aujourd’hui en 2025, sur une période de 14 ans il est tout à fait possible d'initier et de réaliser beaucoup d’ambition pour un territoire. 14 ans de départementalisation peuvent être considérés comme une période suffisante pour entamer un premier bilan des réalisations. Cependant, d’année en année et d'annonce en annonce, les projets majeurs promis ont été soit ajournés, soit repoussés laissant les mahorais dans l’exaspération (piste longue, nouvel hôpital, nouvelle prison, réseau de bus, desserte maritime par barges étendue au nord et au sud, réfection et extension du réseau routier (BUM, rocade de contournement des centres villes, etc.), réseau d’assainissement, réseau d'eau, infrastructures scolaires, centre éducatif fermé (CEF), etc.).
Lorsque l'on vit dans des situations de l'extrême, c'est-à-dire, là ou les besoins fondamentaux de l'humain sont, soit très dégradés, soit inexistants, il se produit inévitablement, en particulier chez certains individus en très grande difficulté, un phénomène mécanique qui est qualifié de "déshumanisation" (https://urlz.fr/uhaa) avec l'émergence d'une posture psychologique favorable à l’incivilité et à la violence en réaction aux agressions que l'on subit et à la négation de ce que l'on est. La réhumanisation est alors d'une nécessité absolue, ce qui est fait peu ou prou, par les personnes physiques et les personnes morales, organismes publics et privés présents sur le territoire, mais souvent avec des moyens dérisoires. Il est donc fondamental de comprendre que lorsque l'on veut humaniser/réhumaniser un territoire, il convient nécessairement d'envisager à un moment donné, un changement total de paradigme au regard des pratiques qui ont conduit à cette déshumanisation, que ce soit au niveau de l’État, des collectivités, des élus territoriaux de Mayotte, de la société civile (dans la conservation de valeurs et de pratiques culturelles et traditionnelles devenues inadaptées).
Deux exemples concrets pour illustrer notre propos :
- « Plan Mayotte 2025 » mis en place en 2015, Manuel Valls est alors Premier Ministre. Ce plan n’a pas abouti car le suivi même de ce plan, ce qui est le B-A BA de la gestion des politiques publiques n’a pas été conduit localement. Autre raison latente : le gouvernement de l’époque (de gauche) est également l’héritier de la vision de François MITTERRAND à propos de la question de Mayotte dévoilée lors du discours du 13 juin 1990 à Moroni (https://urlz.fr/u1DD). L'intégrité territoriale d'un pays prime sur le Droit des Peuples à disposer de leur destin (également la vision de l'ONU). Nous sommes donc toujours ici, dans la vision "Pourquoi développer ce territoire qui tôt ou tard finira dans le giron comorien".
- « Plan pour l’avenir de Mayotte » mis en place en 2018, Edouard Philippe est alors Premier Ministre. Elaboré dans l’urgence, en réponse à la crise sociale du début de l’année 2018. Si, la création d’une agence régionale de santé (ARS), d’un Rectorat de plein exercice, la relance de la lutte contre l’immigration clandestine et le renforcement des moyens consacrés à la sécurité (opérations « Wuambushu » et « Place Nette ») ont pu être menées. En revanche, l’avancement du volet « investissement » prévu par ce plan a été très variable. Il a été tributaire de la capacité des maîtres d’ouvrage ici à Mayotte, à mener à bien les projets et en particulier le département et les communes. Ce plan, comme le précédent, n’a fait l’objet en local d’aucun suivi structuré. Je le répète ici, cela est bien le B-A BA de la gestion des politiques publiques.
Même si l’État à une part de responsabilité dans l’avortement des différents plans de développement de Mayotte. L’État et cela est fort heureux, n’a aucune capacité d’intervention sur les mentalités, les comportements, le savoir-être de la gouvernance locale immobile, prisonnier de la société traditionnelle, celle des Djinn, encore clientéliste et qui n’entre pas de plein pied dans les valeurs de la République et le respect des règles de droit.
Pour développer un territoire et avancer dans le même sens, il faut bien être Deux, la gouvernance nationale et la gouvernance locale. Lorsque vous être confronté à un charriot tiré par 2 zébus, lorsque l’un souhaite avancer et que l’autre reste immobile (prisonnier de la société traditionnelle) et bien :
- au mieux vous allez tourner en rond ;
- au pire vous allez reculer.
Voici donc en image ce qu'il convient de comprendre de la situation à Mayotte.
En conclusion :
- Une vision française depuis François MITTERRAND qui a initié peu ou prou et de manière latente, une réticence de la France à développer vraiment Mayotte ;
- La recherche d'une coopération équilibrée avec les Comores qui est avortée ;
- Un gouvernance mahoraise locale avec certains élus qui ne s'inscrivent pas dans le respect des règles de droits et ne jouent pas le jeu de La République ;
- Un société qui tarde à sortir de la société traditionnelle en reléguant celle-ci au rang de folklore pour s'ancrer impérativement dans les valeurs de la République.
Tous ces facteurs contribuent à faire planer ces sempiternelles et récurrentes questions "Mais que faire de Mayotte ?”, "Mayotte, ce petit caillou dans la chaussure de l'État qui fait mal au pied ?", "Pourquoi développer ce territoire qui refuse de sortir de la société traditionnelle et qui donc finira tôt ou tard dans le giron comorien ?", etc.
Un exemple récent démontre encore la récurrence de ces questions dans l'esprit de la gouvernance française nationale au niveau politique, administrative et celle des hauts fonctionnaires de l'État. Le 28 mars 2018, le "Canard Enchainé" publie un article intitulé : "L’État prêt à lâcher Mayotte ?". Il s'agit d'un projet de création d’une "Communauté de l’archipel des Comores" comprenant les 4 îles. Partant de tous les constats évoqués plus haut, il y avait bien une base d'application réelle et une volonté politique avérée celle d'Emmanuel Macron et d’Édouard Philippe, s'agissant d'abandonner le statut de département pour Mayotte (https://urlr.me/wPHTQU).
La montée de bouclier de l'opinion publique mahoraise et du collectif des citoyens de Mayotte de 2018, associée aux revendications du collectif, face à l'insécurité, la pauvreté et un sous-investissement public dans le département, a obligé Annick Girardin, ministre des outre-mer, à venir expliquer lors d’un déplacement à Mayotte la position du gouvernement sur ce projet.La ministre n’a pas nié l’existence d’un projet de création d’une "Communauté de l’archipel des Comores" comprenant les 4 îles, en expliquant qu’il s’agissait d’une initiative de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et donc d’une initiative administrative déconnectée d'une réelle volonté politique et que son ministère n’avait pas été consulté sur la question. Dixit : "Mayotte est Française et restera Française… tant que les élus de ce territoire le souhaitent… Une feuille de route a pu être réfléchie par un certain nombre de fonctionnaires … des notes ont pu exister en interne … mais c’est le politique qui décide… Il faut arrêter de se faire peur". (https://urlz.fr/ugzT).
« Mayotte restera donc française tant que les élus de ce territoire le souhaitent… ». Il est donc bien clair que la cohésion indispensable des élus de Mayotte parlant d'une seule et même voix, dans une prise de conscience rapide et avec des actes concrets doivent permettre d'ancrer Mayotte dans le droit commun, la convergence sociale, dans le développement et la sécurité du territoire, pour donner impérativement au département les moyens de faire face aux défis futurs.
Et ces défis futurs sont considérables, un exemple issu du rapport d’inspection générale sur les MNA révèle : "Prévision de l'INSEE pour 2050 : Mayotte compterait 760 000 habitants à horizon 2050, avec 28 000 naissances par an, soit trois fois plus qu’en 2017. Cette hypothèse conduirait à une situation extrêmement difficile, une densité de l’ordre de 2 000 habitants par km2, avec toutes les conséquences que cela peut représenter en terme de besoins pour la population (eau, électricité, habitat, routes, écoles, hôpitaux, etc.)" (https://urlz.fr/ugvW).
D'ici 2050, si le développement de Mayotte ne s'affirme pas concrètement, il est fort probable que la question du statut sera continuellement remise sur le tapis, avec cette sempiternelle et récurrente question : "Mais que faire de Mayotte ?". Car il sera sans doute mis clairement en évidence que, quoique l'on puisse faire, Mayotte ne parvient pas à trouver structurellement les moyens de s'ancrer dans ce développement. Il reste à définir quels sont ces "plafonds de verres structurels" qui empêche Mayotte de s’ancrer dans ce développement.
Les raisons mahoraises évoquées plus haut répondent en partie à la question. Une chose est certaine nous ne sommes plus dans cette époque Gaullienne, Pompidoulienne, Giscardienne des 30 glorieuses, caractérisée par une absence réelle de problématique budgétaire étatique à gérer. Désormais, aujourd’hui, chaque denier compte, dans une justification au premier euro, cela oblige et cela engage, dans une bonne conduite des affaires publiques et dans une rigueur de gestion au quotidien, cela doit donc impérativement s'accompagner de gages de confiance donnés à l'État et à l'Union Européenne d'où proviennent les cordons de la bourse.
2050, c'est dans 25 ans, et c'est déjà demain...! j'aurai alors 80 ans, et j'espère être encore vivant pour voir ce que les élus de Mayotte auront fait.
- Carl Gustav JUNG : "Ce n'est pas en regardant la lumière que l'on atteint la lumière mais en regardant dans son obscurité, car ce que l'on ne veut pas voir de son obscurité intérieure finit par arriver de l'extérieur comme un destin funeste.”
- Aimé Césaire : "L'avenir d'un Peuple dépend de sa capacité à passer du Traditionnel à l'Universel" (pour Mayotte, les autres département l'ont fait et pour Les Comores, les autres pays l'ont fait. Le temps est-il donc ici notre allié ?).
Bien à vous, je vous souhaite une excellente journée.
Sources - "La vérité ne se possède pas, elle se recherche et elle se partage ensemble" :
- "Mais que faire de Mayotte ?" ouvrage de Philippe BOISADAM (ancien préfet), l'Harmattan, 2009.
- Rapport d'inspection générale sur les mineurs non accompagnés (MNA) à Mayotte : https://urlz.fr/ugvW
- Rapport « Établir Mayotte dans ses droits » - Défenseur des droits : https://urlz.fr/ugA1
- Rapport d’information sur la situation de l’immigration à Mayotte : https://urlz.fr/ugAD
- Rapport d’information sur les enjeux migratoires aux frontières Sud de l’Union européenne et dans l’océan indien : https://urlz.fr/ugAb
- Conférence « Diplomatie et enjeux pour Mayotte » par Edouard MAYORAL conseiller diplomatique : https://urlz.fr/ugzC
- La ''question'' de Mayotte sur la scène internationale - acte II par Hugues Béringer : https://urlz.fr/ujnR
- La nature juridique de la collectivité territoriale de Mayotte (Mayotte n'est pas un département/région d'outre-mer) par Hugues Béringer : https://urlz.fr/umTG
- Procédure parlementaire et formation de la loi : l'exemple de l'article 63 de la loi organique du 3 août 2009 relative à la départementalisation de Mayotte par Hugues Béringer : https://urlz.fr/umTC
- Visite officielle Jacques CHIRAC à Mayotte (1986-10-19) : "Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs" : https://urlz.fr/ujnV
- Mayotte sortir du Déni et des fausses solutions : https://urlz.fr/ueF6
- De Mitterrand à Macron | Une obsession anti-mahoraise : https://urlz.fr/ueFa
- L'État veut-il lâcher Mayotte ? : https://urlz.fr/ugvS
- Mayotte, symbole du mal politique français : https://urlz.fr/ugzJ
- Mayotte : pourquoi l'île est au bord de l'insurrection : https://urlz.fr/ugzO
- Les charges de personnel font exploser le déficit budgétaire de Mayotte : https://urlz.fr/ugzR
- Valls : « La question du droit du sol, je ne veux pas l'ouvrir à Mayotte » : https://urlz.fr/ugzS
- Pas de projet de « Communauté d'archipel des Comores », selon Annick Girardin : https://urlz.fr/ugzT
- Lâcher Mayotte : le « Canard enchainé » n’avait pas tort : https://urlr.me/wPHTQU
- Traversée clandestine vers Mayotte des africains, une machine déjà bien huilée par les Comores - Journal comorien AL-Watwan : urlr.me/nfP3rb
- Archives d'Outre-mer, Mayotte le long chemin vers la départementalisation : https://urlz.fr/ugzX - https://urlz.fr/ugzC
- "Oui, le système colonial a été profondément injuste" (Nicolas SARKHOZY - Discours d'Alger - 3 décembre 2007 - https://urlz.fr/uqMB).
- Réflexion sur l'unité nationale des Comores - Journal Kashkazi - Février 2008 : https://urlz.fr/uqra
- Et si Mayotte avait raison ? - Journal Kashkazi - Février 2008 : https://urlz.fr/uqra
- Etc.